- tankasacha a écrit:
-
On peut toujours rêver...
Le réveil a été brutal car l'annonce mise pour Victor par l'ADSA a été remarquée par une jeune femme,
C., qui s'était déjà, à titre bénévole, penchée sur son cas.
C. a eu, de tous temps, un contact privilégié avec le monde animal et avait été interpellée par l'annonce d'une femme recherchant un nouveau maître pour son chien, qualifié par elle-même de "dangereux".
Quelle ne fut pas son épouvante quand elle proposa son aide à la seconde maîtresse de Thor (puisque tel était son nom à l'époque)!
C'est pourtant en terrain neutre (en bas de l'immeuble) que C. découvrit un chien d'une agressivité extrême. Elle questionna et découvrit avec effroi quelles furent les conditions que Thor connut pendant les trois années de sa vie.
Retiré à sa mère dès ses premiers jours, au motif que sa propriétaire de l'époque souhaitait avoir un chien qui lui obéirait mieux car nourri par elle au biberon, son développement fut donc gravement hypothéqué.
Thor se structura avec une empreinte aberrante (au sens de Konrad Lorenz, père de l'éthologie): il grandit en se prenant pour un humain.
Sa socialisation, tout autant que sa sociabilisation furent d'autant plus inexistantes qu'avec sa première maîtresse jusqu'à l'âge de six mois, puis avec la seconde jusqu'au jour où C. entra dans sa vie, Thor ne vécut qu'au seul contact d'une femme, avec un univers limité à un appartement.
La conséquence la plus immédiate et évidente était que Victor ignorait tout du code social canin puisqu'il n'avait été en contact avec aucun chien qui aurait pu l'y initier.
C. multiplia les conseils à sa maîtresse, entreprit des promenades avec Thor et sa maîtresse (port de muselière, puis sans), puis seule avec Thor pour enfin l'emmener en promenade avec les deux Rhodesian Ridgeback de son compagnon.
Premiers contacts non agressifs avec des congénères et avec un humain de sexe mâle!
Tout au long de ses différentes rencontres, C. ignorait dans un premier temps le flot agressif de Thor (comportement "réflexe", d'autant plus renforcé par la présence de sa propriétaire, seule acceptée sur sa planète!), puis, dans un second temps, réussissait à être tolérée, puis admise grâce au jeu (balle ou bâton, mordus avec hargne).
Thor a même été au bord de la rechute quand un jour C. l'appela pour jouer et qu'il refusa le jeu en lui pinçant la main.
C., ayant ses propres priorités, finit par passer le relais à la propriétaire de Thor pour laquelle elle avait plus que largement tracé et déblayé la route.
Et comme toujours dans notre monde d'assistés, le flambeau ne fut pas repris et le mensonge des voisins ayant déménagé sans le chien présenté à Bibi...
Eh oui, Myriam! Une fois de plus, on a abusé de ton bon coeur!
Arrivé chez moi, Thor s'adapta très vite dans les circonstances que l'on sait. Il prit tellement d'assurance qu'il voulut recréer avec moi la relation qu'il avait toujours eu avec ses deux maîtresses successives.
Ne se considérant pas comme un chien, ne possédant pas les codes canins, le seul moyen qui s'offre à lui pour faire le vide autour de moi est l'agression, au moyen de crocs qui eux sont bien canins.
Parmi les "bons" usages dans le monde canin, il en est deux qui sont primordiaux pour la meute, ce sont l'inhibition de la morsure (doser la force de la morsure suivant les circonstances et ne pas systématiquement mordre à fond) et le fait de stopper son attaque quand le congénère s'est soumis.
Dans le cas de Victor, ces comportements ne sont pas acquis et c'est ce qui le rend dangereux pour les autres chiens.
Lundi, il a ainsi successivement blessé Lary(assez gravement) et Pacha (dans une moindre mesure). Son attaque est d'autant plus lourde de conséquences qu'il n'avertit pas ou peu ses protagonistes qui sont totalement pris au dépourvu et n'ont donc pas le temps de parer l'agression.
Sa prise favorite est d'emprisonner dans sa gueule le museau du congénère. Quand on connaît la sensibilité de la truffe et des babines, on imagine les souffrances de l'agressé qui se retrouve pris comme dans un piège à loup car Victor ne relâche pas sa prise. Même roué de coups de bâton, pris dans sa bulle de fureur agressive, Victor tient bon!
Le handicap majeur de Victor, qui le rend si dangereux pour ses congénères, est donc son absence ou au mieux ses carences majeures en termes de socialisation.
A trois ans passés, je ne pense pas qu'il puisse encore acquérir le code social canin, même immergé dans une meute. Quelques points vont peut-être pouvoir être intégrés, mais les comportements inappropriés sont déjà bien ancrés et relèvent désormais du réflexe, en-dehors de toute analyse et réflexion de sa part. C'est le cerveau "reptilien" qui entre en jeu.
L'avenir de Victor ne peut passer que par un adoptant qui saura le cadrer très strictement et contrôler ses pulsions agressives, avec suffisamment de doigté pour que la présence d'un congénère ne soit pas assimilée à engueulade systématique, ce qui serait bien sûr contreproductif.
J'y travaille déjà, mais je dois le surveiller en permanence comme de l'huile sur le feu puisque tous les chiens vivent en meute.
Le port de la collerette, imposé par sa toute récente castration, l'handicape un peu pour ses éventuelles attaques et me permet de travailler avec une plus grande marge de sécurité que celle conférée par ma seule autorité. Quoique la durée de vie d'une collerette est si courte avec un tel chien monté sur ressorts que la gêne que pourrait lui procurer le port de collerette devient rapidement symbolique...
Je vais renforcer la relation avec lui en lui faisant faire des exercices d'éducation classiques. Ce sera déjà un grand pas car il n'a jamais été vraiment contré jusqu'à ce jour. Pas plus tard que ce soir, je l'ai saisi par la peau de l'arrière du cou suite à une tentative manifeste de rébellion et sa réaction fut sans équivoque: pas content du tout, le bougre!
Certainement la première fois de sa vie qu'on le contrait et d'une manière qui n'a de sens que pour un chien qui a été éduqué par sa mère.
Une fois remis en voiture, Victor s'est pris une "raclée" punitive, administrée par tous les autres qui avaient bien perçu le conflit avec le chef de meute (qui avait réussi à préserver ses dix doigts
).
L'avenir dira si mon analyse est judicieuse et porte les fruits attendus...