CAPI, Berger Belge Groenendael mâle 6 ans

CAPI est un mâle Groenendael, âgé de 6 ans, que je viens d'arracher à une vie épouvantable.

Victime de la bêtise humaine et de la paranoïa collective qui s'est auto-entretenue jusqu'à aujourd'hui.    

Avec sa robe noire, CAPI répondait parfaitement aux attentes secrètes de sa première maîtresse qui voulait un chien qui "fasse peur" pour la protéger.

Sauf qu'elle s'est rapidement prise à son propre piège et que comme CAPI, ne disposant pas de conditions de vie équilibrantes et répondant à sa nature de chien de travail, protestait, aboyait, elle eut tôt fait de le cataloguer chien dangereux et ingérable.

Comme toujours, c'est le chien qui "ne fonctionne pas bien" et pas le maître qui lui impose un mode d'existence contre nature!  

Début 2019, elle le céda à un monsieur âgé et malade qui très vite, rencontrant les mêmes problèmes puisque bien évidemment les mêmes causes produisirent les mêmes effets, finit par l'enchaîner court à son tracteur, un réservoir de récupération d'eau de pluie éventré, faisant office de niche.

Capi, réduit au rôle de sonnette d'alarme au bout d'un chemin sans issue où quasiment personne ne passe, ne pouvait que hurler son désespoir.
Ce qui confirmait aux yeux du voisinage sa totalement injustifiée réputation de monstre d'agressivité.    

Son calvaire prit fin samedi, suite au décès de son maître.
Comme la psychose battait son plein, personne n'osait l'approcher; tout juste lui donner à manger et à boire. Le bon sens élémentaire était bloqué par la peur qui avait contaminé tous ceux qui tremblaient en l'approchant.
Entouré d'humains déchargeant des flots d'adrénaline, Capi avait bien du mal à rester serein...  

Quand je suis arrivé sur place, j'ai aussitôt compris la situation.

Des humains incapables de comprendre ce qui pour moi était évident: Capi aboyait pour implorer qu'on lui accorde du temps, de l'attention, une toute petite promenade de 300 mètres!  

Quand je me suis approché de lui, tous les spectateurs de la scène me fixaient intensément, comme si je rentrais dans la cage d'un fauve.

Je me suis accroupi à deux mètres de lui et lui ai parlé sans cesse pour le détendre.
Son premier réflexe fut de reculer sous le tracteur, mais Capi réalisa très vite qu'arrivé en bout de chaîne, toute fuite lui était interdite.
Je m'écartais un peu pour lui offrir la possibilité de "s'échapper", mais il lui fallait revenir vers moi. Ce qu'il fit.  
Quand il passa devant moi, l'expression de son regard me montra qu'il avait baissé d'un cran la garde.

Arrivé de nouveau en bout de chaîne, Capi me faisait face, dans l'expectative.

Saisissant la chaîne de la main gauche, j'exerçais de légères tractions pour la raccourcir jusqu'au moment où je pus tendre la main droite. Le regard plongé dans celui de Capi, je me mis à son tempo et c'est ainsi que je sus le moment où il accepterait ma première caresse.

Je fis une rapide première promenade. Il partit joyeusement et quand au bout de cent mètres, je fis demi-tour, Capi ne protesta pas et reprit directement le chemin de son tracteur rouillé. Un chien ne ment pas et, si on ouvre les yeux, raconte beaucoup de sa vie.

Ici, il s'entend avec tous. Je ne le perçois pas d'un caractère dominant.
Il n'a encore rien mangé. Des selles très molles et une première séance de purge aux herbes qui l'a fait vomir ce matin.  Laissons du temps au temps.

Le pauvre est noir de crasse, mais j'attends le rendez-vous véto de mardi pour vérifier qu'il n'est pas porteur de parasites ou de dermatite. Le poil est plein de gros noeuds : un véritable chien rasta!

Première sortie dans les rues, pourtant remplies du calme dominical du village: on sent que le travail de resociabilisation s'impose.

Des cris d'enfants qui jouent, une moto qui passe un peu vite, un groupe de passants au verbe haut: il suffit de peu de choses pour inquiéter Capi.

Un très bref contact avec un inconnu, truffe à quelques millimètres de la main qui s'était avancée, confirme qu'il ne faudrait surtout pas sauter sur lui, en criant "Oh! Qu'il est beau!".
Il faut (et c'est normal!) lui demander la permission et ... attendre la réponse!
N'est-ce-pas, Lary?  

Néanmoins, on le sent curieux d'aller explorer chaque cour, chaque recoin: l'envie de vivre, tout simplement!

Le revers de la médaille est que Capi, n'ayant pas été géré jusqu'à présent dans le cadre d'une relation alliant indispensablement cadrage et confiance, n'a pas appris à obéir sereinement, même quand l'ordre contrecarre son impulsion du moment.

J'en ai eu la démonstration ce soir quand j'ai fait rentrer la meute, en fin d'après-midi et que Capi (que je venais juste de rattraper au vol) a compris qu'il ne partait pas en promenade, mais devait rejoindre son couchage et qu'il a tenté de s'opposer en grondant après moi.

Ce n'était bien évidemment pas le moment de caler sous peine de ruiner instantanément ma crédibilité en tant que chef de meute! J'ai tenu bon et c'est passé sur le fil du rasoir...

Il y aura sans doute d'autres bras de fer psychologiques dans les jours qui viennent: c'est logique!
A l'âge de 6 ans, les mauvais plis ont eu le temps de se consolider. Mais, comme à chaque fois, l'important est d'y croire et, tôt ou tard, cela fonctionnera.

Rassure-toi, mimi15! Je vérifie très régulièrement que je peux compter sur mes doigts jusqu'à 10 !

la connerie humaine est un puits sans fond

merci FIFI pour ce sauvetage et pour ta patience

Je vais peut-être devoir nuancer ma première impression sur le niveau de dominance de Capi, quoique je pense qu'il s'agit d'une question de forme plutôt que de fond.

Par trois fois aujourd'hui, j'ai pris sur le fait Capi, se précipitant pour saisir dans sa gueule la zone de dominance à l'arrière du cou de Lary.
Le fait que je sois à proximité exacerbe les efforts de chacun pour attirer mon attention, voire glaner une caresse. Tous s'efforcent d'apparaître, l'espace d'un court instant, le favori du grand patron.

Je présume que Capi n'a jamais été véritablement éduqué.
Il a vraisemblablement expérimenté, quand il avait 6 ou 8 mois, le pouvoir sur son entourage que lui conférait un grognement agressif et, n'ayant plus rencontré d'opposition de la part de ses détenteurs, a instauré ce comportement comme méthode infaillible pour ne pas obéir à ses ceux-ci.

L'effet pervers fut que cela n'en fit pas un chien roi, mais un reclus jusqu'à aujourd'hui.

Plusieurs fois, il a tenté de s'opposer à moi en grognant, mais je table sur le temps et le fait que, comme je passe outre ses menaces, il finisse par abandonner ce réflexe conditionné devant une quelconque frustration.

Il est par ailleurs évident que la demande d'un lien privilégié avec son détenteur existe, berger belge oblige! Et pourtant, il va falloir apprendre à partager jusqu'au jour où je lui trouverai son maître à lui tout seul.

beaucoup pour ces explications détaillées. On visualise comme si on y était, un talent caché d'écrivain peut-être !

Comme écrivait, en son temps, Boileau: "Ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement, et les mots pour le dire arrivent aisément."

Je n'ai pas grand mérite.

Ce matin, le grognement d'intimidation persiste, mais je le perçois moins assuré.
Capi a, me semble-t-il, commencé à intégrer mon "Cause toujours!". A suivre!

Nouvelle étape, ce matin, dans ma démarche de compréhension du comportement de Capi.

Son presque imperceptible mouvement de recul quand on avance la main vers lui, fut-ce pour répondre à sa demande d'une caresse de ma part, me laisse à penser qu'il a été battu.

Le fait de ne pas stopper mon mouvement et de continuer à approcher ma main de sa tête déclenche un grondement.

Comme je persiste malgré cet avertissement, je pourrais déclencher un comportement d'agression constituée et il n'en est heureusement rien car Capi finit par accepter le contact.
Et ce d'autant plus qu'il regarde du coin de l'oeil, avec une pointe de défi, Lary qui n'en perd pas une miette et se présente immanquablement pour bénéficier du même privilège...

Ma feuille de route se précise: le rassurer avant tout pour construire une relation positive qui me permettra, à terme, de lui apprendre quelques rudiments d'ordres courants.

Il semble en effet qu'il n'ait jamais bénéficié de la moindre éducation et mettre un tel chien à l'adoption impose de lui fournir tous les atouts pour qu'il termine sa vie sereinement, dans une totale confiance partagée avec son futur maître.

Capi dévoile d'heure en heure sa nature profonde: un sacré tempérament au service d'une feuille de route assez logique (surtout pour un Berger Belge ): grimper à la place qui, selon lui, lui revient de droit, à savoir collé/serré à moi.

Depuis hier, quelle évolution!
Non seulement, il me suit partout en quasi permanence, mais il suffit que je m'assoie pour qu'il se précipite, se colle à moi, mette ses pattes sur mes genoux (comme par accident!) et finisse la tête sur mon épaule pour me gratifier de coups de langue dans le coup...

Le fayot intégral!
Et gare à Lary s'il a le malheur de passer par là!

Le danger me semble déjà celui de l'hyper attachement.
Je me demandais pourquoi il était si difficile de le faire monter dans le coffre de la voiture, qu'il soit seul ou avec d'autres.
Mauvais souvenir ? Peur d'y rester enfermé ?

En fait, si je monte en premier dans le coffre et l'appelle, Capi finit par y monter et semble contrarié quand je redescends. Anxiété de séparation ?
Quoiqu'il en soit, il a fini par comprendre que je montais tôt ou tard à l'avant de la voiture et ne l'abandonnais donc pas.

De la même façon, la séparation pour la nuit, après la dernière promenade, ne pose plus problème. Plus de grognement de protestation.

Il s'exprime beaucoup par grognement; ce qui peut bien sûr prêter à confusion pour la majorité.
Ajoutons à ça qu'il "dérape" très vite quand il veut jouer, en saisissant rapidement dans ses crocs les vêtements.
Une réprimande le fait stopper immédiatement, mais j'attends de mieux le connaître avant d'aller plus avant dans le jeu car je pense qu'il monte très vite en pression (plus vite même que le regretté Puccino!). Non pas que je craigne pour ma garde-robe, mais pour le préparer à sa vie future qui lui imposera peut-être de bannir le jeu en corps à corps avec son maître.

La "petite" Oraya démarrait elle aussi très vite et s'est faite, plus d'une fois, brutalement renvoyée dans ses buts par Maya.
Les Bergers Belges: un monde qui a ses caractéristiques, fruit de la sélection pour un travail bien spécifique.

tu m'as dit un jour qu'un berger belge était une FERRARI, ça se pilote !!!

Notre promenade ce soir semble conforter le fait que Capi, comme je l'écrivais précédemment, s'exprime beaucoup par grognement et tout particulièrement quand il est heureux de l'échange en cours.

Souviens-toi, Bibi, que Drix (mon regretté Rottweiler) faisait de même, un peu comme un chat qui ronronne.

Dans le cas de Capi, il est certain que se promener avec lui, en pleine nature, dans la nuit noire et l'entendre gronder alors qu'on lui donne la caresse qu'il espérait, peut en désarçonner plus d'un. Mieux vaut être sûr de soi, du chien et de la relation!

L'avenir confirmera ou pas mon analyse, mais je pense avoir trouvé ce qui a fait que le genre humain s'est empressé de lui coller une étiquette qui l'a condamné à être rejeté: il est noir, plein d'énergie et exprime son contentement avec ses cordes vocales.

Aussi injuste que quelqu'un qui rejetterai son chat car il ronronne quand il se trouve à ses cotés...

sais-tu que mon petit con de Django a le même comportement ?

j'ai mis un peu plus de temps que toi à comprendre

Ce qui ne les empêche pas d'avoir leur petit caractère et de protester quand on insiste pour qu'ils fassent quelque chose qui ne leur convient pas...

Gibbs, pour sa part, réplique. Il veut toujours avoir le dernier mot et quand il se fait engueuler, il aboie toujours quand j'ai fini de parler. Et si je parle à nouveau, il aboie une nouvelle fois. Et ainsi de suite...


Aujourd'hui, j'ai utilisé la rivalité avec Lary pour faire monter Capi en voiture. "Qui vient faire une course avec moi ?"

Et ça a très bien fonctionné!

Autre méthode ce soir au moment du départ, alors qu'il s'était éloigné au moment où il a vu les autres monter dans le coffre: démarrer et passer la première. Il a rappliqué dare-dare et ne s'est pas fait prier.